Creuset
Je ne te demande pas, Seigneur de m’enlever mes capacités d’aimer, puisqu’elles peuvent m’aider à te servir, mais de les passer au creuset.
Devant toutes les merveilles de Dieu, et devant tous nos échecs humains, force nous est de reconnaître : tu es tout pour moi ! Sers-toi de moi comme tu le voudras ! — Alors il n’y aura plus de solitude pour toi, ni pour nous.
Le grand secret de la sainteté se ramène à ressembler de plus en plus à Lui, le seul et le plus aimable Modèle.
Tu te disposes à prier, et tu ne vois rien, tu te sens troublé et sec ? Je t’indique le chemin : ne plus penser à toi, et en revanche tourner ton regard vers la Passion de Jésus-Christ, notre Rédempteur.
Sois-en convaincu : tout comme il l’a fait pour ces trois plus intimes apôtres, au jardin des Oliviers, il nous demande à nous aussi : « Veillez et priez. »
En ouvrant le saint Évangile, songe que ce qui est rapporté là — les œuvres et les paroles du Christ —, tu ne dois pas seulement le savoir, mais le vivre. Tout, chacun des points relatés, a été recueilli dans le moindre détail, pour que tu l’incarnes dans les circonstances concrètes de ton existence.
— Le Seigneur nous a appelés, nous autres catholiques, pour que nous le suivions de près et, dans ce texte saint, tu découvriras la Vie de Jésus. Mais en outre tu dois y découvrir aussi ta propre vie.
Toi aussi, tu apprendras à demander, plein d’amour comme l’apôtre : « Seigneur, que veux-tu que je fasse… » — La volonté de Dieu ! c’est ce que tu entends très clairement au fond de ton âme.
Prends donc l’Évangile tous les jours, et lis-le, vis-le comme une norme concrète à suivre. — C’est ce que les saints ont fait.
Si tu veux vraiment que ton cœur réagisse bien, je te conseille de t’introduire en pensée dans une des Plaies de notre Seigneur : c’est ainsi, en effet, que tu l’accompagneras de plus près, que tu te placeras tout contre lui, que tu sentiras palpiter son Cœur…, et que tu le suivras dans tout ce qu’il te demandera.
La prière est sans nul doute la « consolation » de ceux qui aiment Jésus, comme nous.
La Croix symbolise la vie de l’apôtre du Christ, avec une vigueur et une vérité qui enchantent l’âme et le corps, même s’il arrive qu’elle coûte et que l’on en ressente le poids.
Je comprends que tu désires souffrir avec le Christ par Amour : que tu veuilles interposer tes épaules entre lui et les bourreaux qui le fouettent ; que tu offres ta tête, à la place de la sienne, pour recevoir la couronne d’épines ; et tes pieds et tes mains, pour les clous… ou, pour le moins, que tu veuilles accompagner notre Mère Sainte Marie au Calvaire, et t’accuser toi-même de déicide pour tes péchés…, et souffrir et aimer.
Je me suis proposé, me disais-tu, de fréquenter davantage le Paraclet, et de lui demander ses lumières.
— Bien, mais souviens-toi, mon enfant, que l’Esprit Saint est le fruit de la Croix.
L’amour de bon vouloir, celui qui rend l’âme heureuse, est fondé sur la douleur : pas d’amour sans renoncement.
Le Christ est cloué sur la Croix. Et toi… encore attaché à tes goûts ! je précise, cloué par tes goûts.
Ne soyons pas — car nous ne pouvons pas l’être ! — des chrétiens sentimentaux : sur cette terre, il doit y avoir douleur et Croix.
Dans notre vie, il faut compter avec la Croix. Qui ne compte pas avec la Croix n’est pas chrétien…, et il ne pourra éviter la rencontre avec « sa croix », qui lui sera alors source de désespérance.
À présent que la Croix est sérieuse, lourde, Jésus arrange les choses de telle façon qu’il nous comble de paix : il devient notre Cyrénéen, pour que la charge nous soit légère.
Dis-lui alors, plein de confiance : Seigneur, quelle Croix est-ce là ? On dirait une Croix sans croix. Eh bien, à partir de maintenant, avec ton aide, puisque je connais la manière de m’abandonner en toi, toutes mes croix seront comme celle-là.
Réaffirme dans ton âme cette ancienne résolution d’un ami : Seigneur, je veux la souffrance, non le spectacle.
Avoir la Croix, c’est avoir la joie : c’est t’avoir, toi, Seigneur !
Ce qui rend vraiment malheureux quelqu’un — et même toute une société — c’est la recherche anxieuse et égoïste de bien-être : cette tentative pour éliminer tout ce qui nous contrarie.
Le chemin de l’Amour a pour nom Sacrifice.
La Croix, la Sainte Croix ! Comme elle pèse !
— D’un côté, mes péchés. D’un autre, la triste réalité des souffrances de notre Mère l’Église ; l’apathie de tant de catholiques qui « veulent sans vouloir » ; pour des raisons diverses, la séparation des gens que l’on aime ; les maladies et les tribulations, celles des autres et les miennes…
La Croix — la Sainte Croix ! — pèse : « Fiat, adimpleatur… ! » — Que la très juste et très aimable Volonté de Dieu soit faite, accomplie, louée et éternellement exaltée par-dessus toutes choses ! Amen. Amen.
Lorsqu’on marche par où le Christ a marché, lorsqu’on a dépassé la résignation, et que l’âme est pleinement en accord avec la Croix — et qu’elle prend la forme de la Croix — ; lorsqu’on aime la Volonté de Dieu ; lorsqu’on aime la Croix…, alors, et seulement alors, c’est lui qui la porte, cette Croix.
Unis la douleur — la Croix extérieure ou intérieure — à la Volonté de Dieu, en prononçant un « fiat » généreux et tu te verras comblé de joie et de paix.
Signes non équivoques de la véritable Croix du Christ : la sérénité, un profond sentiment de paix, un amour disposé à tous les sacrifices, une grande efficacité émanant du côté même de Jésus, et, toujours, l’évidence de la joie. Une joie qui provient d’une certitude : qui se donne vraiment à Dieu se trouve tout près de la Croix et, par conséquent, près de notre Seigneur.
Rends-toi toujours compte — et sois-en reconnaissant— de la prédilection du Roi, en vertu de laquelle, dans ta vie tout entière, il scelle ta chair et ton esprit du sceau royal de la Sainte Croix.
« Je porte sur moi, écrivait cet ami, un petit crucifix, dont la figure est polie par l’usage et les baisers ; mon père en a hérité à la mort de sa mère, qui le portait toujours sur elle.
« Il est si pauvre et si usé que je n’oserais même pas en faire cadeau à quelqu’un ; et ainsi, chaque fois que je le regarderai, mon amour de la Croix augmentera. »
Voici comment priait un prêtre, chaque fois qu’il était accablé : « Envoie-moi, ô, Jésus, la Croix que tu voudras : dès à présent, je la reçois avec joie, et je la bénis avec la plénitude de bénédiction de mon sacerdoce. »
Quand tu recevras un coup fort, une Croix quelconque, tu ne dois pas t’en affliger. Au contraire, c’est le visage joyeux que tu devras en remercier le Seigneur.
J’ai vu hier un tableau représentant Jésus mort qui m’a beaucoup touché . Avec une piété ineffable, un ange baise sa main gauche ; aux pieds du Sauveur, un autre tient un clou arraché à la Croix ; et au premier plan, de dos et regardant le Christ, un petit angelot pleure.
J’ai demandé au Seigneur que l’on m’offre ce tableau, tant il est beau et respire la piété. — J’ai été attristé de savoir qu’une personne à qui l’on avait montré cette toile pour la lui vendre, l’avait refusée en disant : « C’est un cadavre ! » Pour moi, tu seras toujours la Vie.
Seigneur — peu m’importe de le répéter des milliers de fois —, je veux t’accompagner en souffrant avec toi, dans les humiliations et les cruautés de la Passion et de la Croix.
Rencontrer la Croix, c’est rencontrer le Christ.
Jésus, que ton Sang divin pénètre dans mes veines, afin qu’il me fasse vivre, à chaque instant, la générosité de la Croix.
Devant Jésus, mort sur la Croix, fais oraison afin que la Vie et la Mort du Christ soient le modèle et le stimulant de ta vie et de ta réponse à la Volonté divine.
Souviens-t’en à l’heure de la douleur ou de l’expiation : la Croix est le signe du Christ Rédempteur. Elle a cessé d’être le symbole du mal pour devenir le signe de la victoire.
Parmi les ingrédients de tes repas, mets celui, « très savoureux », de la mortification.
Pratiquer de grandes mortifications certains jours, pour les abandonner d’autres jours, ce n’est pas vivre l’esprit de pénitence.
— L’esprit de pénitence suppose de savoir se vaincre tous les jours, en offrant des choses — grandes et petites — par amour et sans spectacle.
Si nous unissons nos petits ennuis — les contrariétés insignifiantes comme les grandes — aux grandes souffrances du Seigneur, du Seigneur Victime — en fait la seule Victime ! — leur valeur n’en fera qu’augmenter, au point d’en devenir un trésor. Alors, de bon gré, généreusement, nous prendrons sur nous la Croix du Christ.
—Nulle peine dès lors que nous ne puissions surmonter très vite. Rien ni personne pour nous enlever la paix et la joie.
Pour être apôtre, tu dois porter en toi, comme l’enseigne saint Paul, le Christ crucifié.
C’est vrai, la Sainte Croix nous apporte la confirmation indéniable que nous appartenons au Christ.
La Croix n’est synonyme ni de peine, ni de chagrin, ni d’amertume… Elle est le saint bois sur lequel Jésus-Christ triomphe…, et sur lequel nous triomphons nous aussi, lorsque nous recevons avec joie et générosité ce qu’il nous envoie.
Après le Saint Sacrifice, tu as constaté comment c’est de ta Foi et de ton Amour — de ta pénitence, de ta prière et de ton action — que dépendent en bonne partie la persévérance des tiens et, parfois même, leur vie terrestre.
— Ô Croix bénie que nous portons, mon Seigneur Jésus — lui ! et toi, et moi !
Oh ! Jésus, je veux être un foyer de folie d’Amour ! Je veux que ma seule présence suffise à mettre le feu au monde, à de nombreux kilomètres à la ronde, d’un incendie inextinguible. Je veux savoir que je suis tien. Qu’ensuite vienne la Croix…
— Magnifique chemin : souffrir, aimer et croire !
Si tu tombes malade, offre tes souffrances avec amour, et elles se transformeront en un encens qui s’élèvera en l’honneur de Dieu et qui te sanctifiera.
En tant qu’enfant de Dieu, et avec sa grâce, tu dois être un homme fort, une femme forte, rempli de désirs et de réalités.
— Nous ne sommes pas des plantes de serre. Nous vivons au milieu du monde, et nous devons être exposés à tous les vents, à la chaleur et au froid, à la pluie et aux cyclones…, mais en restant fidèles à Dieu et à son Église.
Comme le mépris fait souffrir, même si la volonté s’applique à l’aimer !
— Ne t’en étonne pas, et offre cela à Dieu.
Ce mépris-là t’a beaucoup blessé !… — Cela veut dire que tu oublies trop facilement ce que tu es.
Face aux accusations que nous considérons comme injustes, examinons notre conduite, devant Dieu, « cum gaudio et pace » — avec sérénité et joie — et faisons la mise au point nécessaire, même s’il s’agit d’affaires sans importance, si la charité nous y invite.
— Luttons pour être saints, chaque jour davantage. Et ensuite, qu’importe ce que l’on dira, pour autant qu’à ces racontars on puisse appliquer cette béatitude : « Beati estis cum… dixerint omne malum adversus vos mentientes propter me », bienheureux serez-vous quand on vous calomniera à cause de moi.
Je ne sais qui a affirmé — ni où j’ai lu — que ceux qui sortent du lot voient s’abattre sur eux une tourmente de pièges, tout comme l’ouragan fouette les pins les plus élevés.
Intrigues, interprétations mesquines, taillées à la mesure de l’étroitesse de cœur de leurs auteurs, lâches insinuations… — Ceci se reproduit malheureusement dans différents milieux, où l’on ne travaille pas, sans pour autant laisser travailler les autres.
Médite dans le calme ces vers d’un psaume : « Mon Dieu, je suis devenu un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. Car le zèle de ta maison me dévore, et l’insulte de tes insulteurs tombe sur moi »… Et continue de travailler.
L’on ne saurait faire le bien, même au milieu de bonnes âmes, sans recevoir la sainte Croix des commérages.
« In silentio et in spe erit fortitudo vestra » : c’est dans le silence et dans l’espérance que résidera votre force…, assure le Seigneur aux siens. Se taire et avoir confiance sont les deux armes fondamentales dans les temps d’adversité, alors que les moyens humains te seront refusés.
Une souffrance que l’on supporte sans plainte — observe donc Jésus dans sa sainte Passion et dans sa Mort —, c’est aussi la mesure de l’amour.
Voici comment priait une âme désireuse de se donner entièrement à Dieu et, pour lui, à toutes les âmes : « Seigneur, je te demande d’agir dans ce pauvre pécheur, et de rectifier, de purifier et de passer mes intentions au creuset de ton amour. »
J’ai souffert de la condescendance — transigeance et intransigeance — de cet homme très savant et saint lorsqu’il disait : je m’accommode de tout, sauf d’offenser Dieu.
Mesure le bien qu’ils ont fait à ton âme ceux qui, pendant ta vie, t’ont maltraité ou ont tenté de te maltraiter.
— D’autres qualifieront ces gens d’ennemis. Toi, essaie d’imiter les saints, même en cela et, n’étant que trop peu de chose pour avoir ou avoir eu des ennemis, appelle-les plutôt des « bienfaiteurs ». Tu verras qu’à force de les recommander à Dieu, tu finiras par éprouver pour eux de la sympathie.
Écoute-moi bien, mon enfant : tu dois te considérer heureux quand on te maltraitera, et qu’on te déshonorera ; quand beaucoup de gens se dresseront contre toi et qu’il sera à la mode de te cracher dessus, car tu es « omnium peripsema », comme une ordure pour tous…
— Cela coûte, cela coûte même beaucoup. C’est dur, jusqu’au moment où, enfin, un homme s’approche du tabernacle, se voit considéré comme s’il était à lui seul toute la saleté du monde, comme un pauvre ver de terre et dis pour de bon : « Seigneur, si tu n’as pas besoin de mon honneur, pourquoi, moi, en voudrais-je ? »
Jusqu’à ce moment ce fils de Dieu n’avait pas su ce que c’était que d’être heureux : jusqu’à ce qu’il parvienne à cette nudité, à ce don de soi, qui est don d’amour, mais fondé sur la mortification, sur la douleur.
L’opposition des gens de bien ? — Ce sont des choses qui viennent du démon.
Quand tu perds ton calme et que tu es nerveux, c’est comme si tu enlevais la raison à ta raison.
Dans ces moments se fait de nouveau entendre la voix du Maître disant à Pierre, alors que celui-ci s’enfonce dans les eaux de son inquiétude et de sa nervosité : « Pourquoi as-tu douté ? »
L’ordre donnera à ta vie son harmonie et t’apportera la persévérance. L’ordre procurera la paix à ton cœur et de la gravité à ton comportement.
Je recopie pour toi ce texte, qui pourra donner la paix à ton âme : « Je me trouve dans une situation financière pire que jamais. Je n’en perds pas la paix pour autant. J’ai la certitude absolue que Dieu, mon Père, résoudra ce problème une fois pour toutes. »
« Je veux, Seigneur, abandonner ces soucis qui sont les miens entre tes mains généreuses. Notre Mère — ta Mère —, comme elle l’a fait à Cana, t’a soufflé à l’oreille : ils n’en ont plus… Je crois en toi, j’espère en toi, je t’aime, ô Jésus : rien pour moi, tout pour eux. »
J’aime ta Volonté. J’aime la sainte pauvreté, ma dame très chère.
— Et j’exècre, une fois pour toutes, tout ce qui suppose, même de loin, un manque d’adhésion à ta très juste, à ta très aimable et paternelle Volonté.
L’esprit de pauvreté, de détachement des biens terrestres, débouche sur l’efficacité de l’apostolat.
Nazareth : chemin de foi, de détachement, où le Créateur s’assujettit aux créatures comme à son Père Céleste.
Jésus nous parle toujours avec amour…, même quand il nous corrige ou qu’il permet pour nous la tribulation.
Identifie-toi à la Volonté de Dieu…, et ainsi la contrariété ne sera plus contrariété.
Dieu nous aime infiniment plus que tu ne t’aimes toi-même… Laisse-le donc exiger beaucoup de toi !
Accepte sans peur la Volonté de Dieu. Prends sans hésiter la résolution d’édifier toute ta vie avec ce que nous enseigne et exige de nous notre foi.
— Ainsi, tiens pour certain que, même au milieu des peines et des calomnies, tu seras heureux, d’un bonheur qui te poussera à aimer les autres, et à les faire participer à ta joie surnaturelle.
Si des contrariétés se présentent, sois sûr qu’elles sont une preuve de l’amour paternel que le Seigneur a pour toi.
Dans cette forge de douleur qu’est la vie de ceux qui savent aimer, le Seigneur nous apprend que celui qui marche sans crainte sur les traces du Maître, même si cela lui coûte, y trouve la joie.
Fortifie ton esprit par la pénitence afin de ne pas te décourager lorsque l’adversité arrivera.
Quand te proposeras-tu, une bonne fois, de t’identifier à ce Christ qui est la Vie ?
Pour persévérer à la suite de Jésus, il faut une liberté continuelle, un vouloir continuel, un exercice continuel de sa propre liberté.
Tu t’émerveilles de découvrir de nombreux buts différents, dans chacune des possibilités qui se présentent à toi de devenir meilleur…
— Ce sont d’autres chemins, à l’intérieur du « chemin » ; ils t’évitent la routine, et t’approchent davantage du Seigneur.
— Aspire avec générosité à ce qui est le plus élevé.
Travaille avec humilité, c’est-à-dire en comptant d’abord avec les bénédictions de Dieu, qui ne sauraient te manquer ; puis avec tes bons désirs, avec tes plans de travail ; et enfin avec les difficultés que tu rencontreras ! Sans oublier que, au nombre de ces difficultés, tu dois toujours compter ton manque de sainteté.
— Tu seras un bon instrument si tu luttes chaque jour pour devenir meilleur.
Tu m’as confié que, dans ta prière, tu ouvrais ton cœur au Seigneur en t’adressant à lui ainsi : « Je considère mes misères, qui me semblent de plus en plus grandes, malgré les grâces que tu m’accordes, sans doute parce que je n’y réponds pas. Je reconnais que je manque totalement de préparation pour réaliser l’entreprise que tu me demandes. Et quand je lis dans les journaux que tant et tant d’hommes prestigieux, pleins de talent, et fortunés, parlent, écrivent, s’organisent pour défendre ton royaume…, je me vois tel que je suis, et je me trouve si insignifiant, si ignorant, si pauvre, en un mot si petit…, que je serais tout confus et honteux si je ne savais pas qu’en fait c’est ainsi que tu m’aimes, ô Jésus ! Et d’un autre côté, tu sais bien comment j’ai mis volontiers mon ambition à tes pieds… Foi et Amour : Aimer, Croire, Souffrir. Oui, c’est en cela que je veux être riche et savant, mais ni plus savant ni plus riche que toi tu ne l’as disposé, dans ta Miséricorde infinie : en effet je dois mettre tout ce que j’ai de prestige et d’honneur dans l’accomplissement fidèle de ta très juste et très aimable Volonté. »
— Et moi de te conseiller : n’en reste pas à ces bons désirs.
L’amour de Dieu nous invite à porter la Croix à bout de bras…, à sentir peser sur nos épaules le poids de l’humanité tout entière et, selon les circonstances propres à l’état et au travail de chacun, à accomplir la Volonté du Père dans ses desseins à la fois pleins de lumière et d’amour.
C’est Lui, le plus grand fou qu’il y ait jamais eu et qu’il y aura jamais. Existe-t-il plus grande folie que de se donner comme il se donne, et à qui il se donne ?
Car c’eût été une folie s’il était resté un enfant sans défense ; mais alors nombre de criminels se seraient émus et n’auraient pas osé le maltraiter. Or cela lui a semblé encore trop peu : il a voulu s’anéantir davantage et se donner davantage. Et il s’est fait aliment, il s’est fait Pain.
— Ô Fou divin ! Comment les hommes te traitent-ils ? Et moi-même ?
Jésus, ta folie d’Amour me ravit le cœur. Tu es sans défense et tout petit, pour rendre plus grands ceux qui te mangent.
Fais en sorte que ta vie devienne essentiellement — totalement ! — eucharistique.
Prison d’amour ! C’est ainsi que j’aime appeler le tabernacle.
— Voici vingt siècles qu’il est là… volontairement enfermé, pour moi et pour tous.
As-tu déjà envisagé comment tu te préparerais à recevoir le Seigneur, si l’on ne pouvait communier qu’une seule fois dans sa vie ?
— Remercions Dieu de ce que nous pouvons nous approcher aussi facilement de lui ! Cela dit… il nous faut l’en remercier… en nous préparant soigneusement à le recevoir.
Dis au Seigneur que désormais, chaque fois que tu célèbreras la sainte messe, ou que tu y assisteras et que tu administreras ou recevras le sacrement de l’Eucharistie, ce sera avec une foi très vive et en brûlant d’amour, comme si c’était la dernière fois de ta vie.
— Et regrette tes anciennes négligences.
Je m’explique bien ton désir de recevoir tous les jours la Sainte Eucharistie : en effet celui qui se sent fils de Dieu a un besoin impérieux du Christ.
Lorsque tu assisteras à la sainte messe, pense — et c’est la pure vérité — que tu es en train de participer à un Sacrifice divin : sur l’autel, le Christ s’offre de nouveau pour toi.
Quand tu le recevras, dis-lui : Seigneur, j’espère en toi ; je t’adore, je t’aime ; augmente en moi la foi. Sois le soutien de ma faiblesse, toi qui as voulu demeurer dans l’Eucharistie, sans défense, pour remédier à la faiblesse des créatures.
Nous devons faire nôtres ces paroles de Jésus-Christ, en nous assimilant à lui : « desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum » — j’ai désiré ardemment manger cette Pâque avec vous. Nous ne pourrons mieux manifester tout notre intérêt et tout notre amour pour le Saint Sacrifice qu’en soignant particulièrement jusqu’à la plus petite des cérémonies prescrite par la sagesse de l’Église.
En plus de l’Amour, la « nécessité » de ressembler au Christ doit nous presser, intérieurement mais aussi extérieurement, à évoluer dans les vastes espaces qui entourent l’autel chrétien, avec le rythme et l’harmonie de la sainteté obéissante qui s’identifie à la volonté de l’Épouse du Christ, autrement dit à la Volonté du Christ lui-même.
Nous devons recevoir le Seigneur dans l’Eucharistie comme les grands de la terre, et même mieux : avec parures, lumières, habits tout neufs…
— Tu me demandes : quelle propreté ? quelles parures ? quelles lumières ? Et je te réponds : la propreté dans tes sens, un à un ; la parure dans tes puissances, une à une ; et la lumière dans toute ton âme.
Sois une âme eucharistique !
— Si le tabernacle est au centre de tes pensées et de tes espérances, mon fils, comme ils seront abondants, les fruits de sainteté et d’apostolat que tu récolteras !
Il convient que les objets dont on se sert pour le culte divin soient des œuvres d’art, sans oublier que le culte n’est pas pour l’art, mais l’art pour le culte.
Rends-toi souvent devant le tabernacle de corps ou de cœur, afin de te rassurer, de trouver la sérénité : mais aussi pour te sentir aimé… et pour aimer !
Je recopie pour toi ces paroles qu’un prêtre adressait à ceux qui le suivaient dans son entreprise apostolique : « Quand vous contemplez la sainte hostie, exposée dans l’ostensoir sur l’autel, mesurez l’immensité de l’amour, de la tendresse du Christ. Moi, je me l’explique, en pensant à mon amour pour vous. Si je pouvais être en train de travailler loin de vous, et me trouver en même temps tout près de chacun d’entre vous, avec quelle joie je le ferais !
Mais cela, le Christ le peut. Et lui qui nous aime d’un amour infiniment supérieur à celui que peuvent abriter tous les cœurs de la terre, il est resté là pour que nous puissions nous unir toujours à sa très sainte Humanité, et pour nous aider, pour nous consoler, pour nous fortifier, pour que nous soyons fidèles. »
Ne crois pas qu’il soit facile de faire de sa vie un service. Un si bon désir, il faut le traduire dans les faits, car « le Royaume de Dieu ne consiste pas en parole mais en œuvres », comme nous l’apprend l’Apôtre. Et aussi parce qu’on ne saurait aider constamment les autres sans sacrifices.
Toujours et en toute chose, réagis en communion avec l’Église ! — Acquiers, par conséquent, la formation spirituelle et doctrinale nécessaire, qui fasse de toi une personne au jugement droit dans ses options temporelles, humble et prompte à rectifier lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle se trompe.
— Reconnaître loyalement ses erreurs est une manière très humaine et très surnaturelle d’exercer sa liberté personnelle.
Il importe absolument que nous diffusions la lumière de la doctrine du Christ.
Capitalise des connaissances, meuble ton esprit d’idées claires, de la plénitude du message chrétien, que tu pourras ensuite transmettre à d’autres.
— N’attends pas de Dieu des illuminations, car il n’a aucune raison de te les communiquer, alors que tu disposes de moyens humains bien concrets : l’étude, le travail.
Non seulement l’erreur obscurcit l’intelligence, mais elle divise les volontés.
— En revanche, « veritas liberabit vos » — la vérité vous délivrera des factions qui dessèchent la charité.
Tu recherches la compagnie de tel de tes camarades qui te dit à peine bonjour…, et il t’en coûte.
— Continue dans cette voie et ne le juge pas : il doit avoir « ses raisons », comme toi tu as aussi les tiennes de prier davantage pour lui chaque jour.
Si tu vas dans le monde à quatre pattes, pourquoi t’étonnes-tu que les autres ne soient pas des anges ?
Veille avec amour sur ta sainte pureté… et n’oublie pas qu’une étincelle s’éteint plus facilement qu’un incendie.
Cela dit, toute la diligence humaine, même accompagnée de ces armes, si nécessaires, que sont la mortification, le cilice et le jeûne, a vraiment peu de valeur sans toi, mon Dieu !
Souviens-toi sans cesse qu’à tout moment tu collabores à la formation spirituelle et humaine de ceux qui t’entourent, et de toutes les âmes — la bienheureuse communion des saints arrive en effet jusque là : quand tu travailles et quand tu te reposes ; quand on te voit joyeux ou préoccupé ; quand, à l’ouvrage, ou en pleine rue tu pries en enfant de Dieu, et que la paix de ton âme se manifeste extérieurement ; quand on remarque que tu as souffert — que tu as pleuré —, et que tu souris.
Une chose est la sainte coercition, une autre la violence aveugle ou la vengeance.
Le Maître nous l’avait bien dit : puissent les enfants de la lumière faire le bien avec au moins la même opiniâtreté et le même entêtement que les enfants des ténèbres mettent dans leurs propres affaires !
— Ne te plains pas : travaille, en revanche, à noyer le mal sous l’abondance du bien !
Fausse charité que celle qui porte préjudice à l’efficacité surnaturelle de l’apostolat.
Dieu a besoin d’hommes et de femmes solides, fermes, sur lesquels on puisse s’appuyer.
Nous ne vivons pas pour le monde, ni pour notre honneur, mais pour l’honneur de Dieu, pour la gloire de Dieu, pour le service de Dieu : voilà ce qui doit nous motiver !
Depuis que notre Seigneur Jésus-Christ a fondé l’Église, notre Mère a perpétuellement subi la persécution. Peut-être ces persécutions se sont-elles produites au grand jour en d’autres temps, alors qu’aujourd’hui elles se présentent bien souvent de manière plus sournoise. Mais, aujourd’hui comme hier, l’Église est toujours combattue.
— D’où notre devoir impératif de vivre chaque jour en catholiques responsables !
Une bonne recette à t’appliquer : « Je ne me souviens pas que j’existe. Je ne pense pas à mes problèmes, car il ne me reste pas de temps pour moi. »
— Travail et service !
La bonté inégalable de notre Mère Sainte Marie obéit à un certain nombre de lignes de conduite : un amour poussé à l’extrême, dans le soin mis à accomplir la Volonté divine, et un oubli total de soi. Elle était contente d’être là où Dieu l’avait placée.
— C’est pourquoi rien chez elle n’est commun, pas le moindre geste. — Retiens cette leçon !
Document imprimé depuis https://escriva.org/fr/forja/creuset/ (15 oct. 2024)